AIDE AU MJ

JOUER PLUS SOUVENT, UNE QUESTION DE TEMPS?

 

SUR LES FORUMS ET LES RÉSEAUX SOCIAUX, DE NOMBREUX RÔLISTES DISENT JOUER À UN RYTHME EN DEÇÀ DE LEURS ESPÉRANCES. POUR REMÉDIER À CELA, ON NOUS CONSEILLE SOUVENT D’UTILISER DES TABLES VIRTUELLES OU D’ALLER DANS DES CLUBS. MAIS CES SOLUTIONS NE SATISFONT PAS TOUT LE MONDE. VOICI DONC QUELQUES PISTES POUR JOUER PLUS FRÉQUEMMENT AVEC VOS PROCHES.

 

Soyez sage comme Gandalf
Dans de nombreuses formations en développement personnel et en organisation, on apprend une chose essentielle: on a tous la même quantité de temps, mais pas la même façon de le gérer.

C’est beau non? Pourtant, il est vrai qu’on n’a pas tous les mêmes contraintes. Même à 25 ans, études terminées, sans enfant, avec du temps à ne plus savoir quoi en faire… ce n’est pas si simple! Un jeu de rôle, ça nécessite d’être au moins deux! Et tout le monde n’a pas la chance d’avoir autant de disponibilités. Compliqué dès lors d’en trouver pour jouer à des «jeux bizarres». Car tout le monde n’est pas rôliste non plus. Et pour quelqu’un qui n’a jamais essayé le jeu de rôle, il s’agit généralement d’un terme nébuleux qui rime avec «nerd».

Lorsqu’on commence le jeu de rôle au cours de l’enfance, on vit une véritable épiphanie. Rappelez-vous: vous découvriez tout par vous-même et vous preniez votre pied! Que quelqu’un ait été là pour vous initier ou que vous vous soyez lancé avec des potes, c’est sûrement une époque que vous chérissez. Mais en grandissant on change d’école ou de ville, ou alors ce sont les copains et copines qui partent. Ces séparations sont souvent synonymes de traversée du désert. Pour le peu qu’on soit un peu timide ou introverti, difficile de parler de notre passion pour le JdR. Souvent, cette période de creux s’accompagne de toutes les formes de bovarolisme décrites par Pierre Cuvelier dans le JDR MAG N° 45.

Avec un peu de chance, on reprend le jeu de rôle par un heureux hasard. Une de nos connaissances découvre le pot aux roses: «C’est quoi ces énormes bouquins bien illustrés cachés derrière ta penderie?» C’est l’occasion de parler de notre hobby caché, pris sur le fait. Et étonnamment, la plupart des gens seront intrigués, voire tentés. Si on trouve les mots justes, c’est l’occasion d’ouvrir une nouvelle ère de jeu de rôle à durée indéterminée. On propose une partie, puis une deuxième… Et on finit parfois par jouer deux fois par mois dans une grande campagne.

S’il y a bien une leçon à tirer de tout ça, c’est que durant les périodes de vache maigre, le problème n’est pas toujours le manque de temps ou d’opportunités. À n’importe quel moment, on aurait pu se tourner vers nos proches et leur proposer une partie, rôlistes ou non. La vérité, c’est qu’on avait peut-être pas le courage, ou que l’on avait préjugé que «ça ne les intéressera pas». A posteriori ça peut sembler idiot, mais bon… on apprend de ses erreurs!

Alors lorsque vous avez l’impression qu’il n’y a pas de joueurs autour de vous, il est temps d’enfiler votre casquette de MJ et de tendre la main à vos proches. Même s’ils ne partagent pas exactement les mêmes goûts que vous… Pourquoi refuseraient-ils une «soirée jeu de société» un peu différente de d’habitude? Dans un premier temps, proposez-leur un one shot dans un univers pas trop exotique pour éviter de les voir s’enfuir en courant. Une fois qu’ils auront goûté une première fois au jeu de rôle, c’est peut-être eux qui reviendront vous voir pour tester une grande campagne de space opera.

Il serait trop bête de ne pas tenter le coup par peur d’un refus… Et ainsi de laisser le temps passer sans faire rouler les dés. Comme dirait Gandalf: «Tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous devons faire du temps qui nous est imparti.»

 

Organisez-vous comme William Monk
Maintenant que vous êtes décidé à jouer une bonne fois pour toutes, il va falloir vous organiser. Vous avez fait un ou deux one shots et vos joueurs en redemandent. C’est l’heure de lancer une grande campagne! Enfin, pas tout de suite, mais plutôt dans deux mois si Antoine et Anne peuvent avoir leur week-end. Bon et puis Michael devra confirmer la semaine prochaine, car il a peut-être un repas de famille…

Rien de bien méchant, vous ne commencerez pas tout de suite. Acceptez ce petit délai cette fois-ci… Mais ne laissez surtout pas vos amis passer le pas de la porte. Le premier toc que vous devez développer (et on ne parle pas ici de «Trouver Objet Caché»), c’est de prévoir plusieurs parties à l’avance.

Tout le monde sort son calendrier, ou plutôt son agenda. Les smartphones sont exceptionnellement tolérés autour de la table également. Et là, vous passez au crible les semaines suivantes et vous posez deux à trois dates. Et après chaque partie, vous répéterez ce rituel. C’est le seul moyen d’être certain de jouer régulièrement. Si vous ne faites pas ça, d’autres événements prendront le pas, et votre campagne n’aura peut-être jamais de fin… Ni même d’épisode deux.

Si vous voulez jouer plus souvent, essayez également de réduire la durée de vos parties. Finies, les nuits blanches à hurler comme des loups. Posez d’avance des limites à votre séance.

Premier avantage: vos joueurs savent exactement à quoi s’attendre. Au début on essuie de nombreux refus, car on est incapable d’estimer la durée de nos parties… Et certains de vos joueurs gardent sûrement le mauvais souvenir de leur première séance qui a duré toute la nuit. Si vous faites par contre une proposition claire, ce sera plus simple pour eux de se projeter, et donc de s’engager.

Deuxième avantage: si vous raccourcissez la durée de vos parties, vous pourrez peut-être jouer en semaine. Une partie de jeu de rôle ne doit pas forcément être synonyme de 8 heures à parcourir vos royaumes imaginaires. Effectivement, vous pouvez adorer ça, mais une séance de deux à quatre heures est plus raisonnable et plus simple à caser dans l’agenda.

Troisième avantage: votre nombre de joueurs potentiels va drastiquement augmenter pour les raisons susmentionnées. Des néophytes ou des joueurs un peu moins passionnés seront peut-être prêts à faire un essai d’une ou deux heures, mais pas à s’enfermer dans votre chalet tout le week-end, déguisé en guerriers de l’âge hyborien.

 

DRIIIIING!!!!… N’hésitez pas à vous servir d’un minuteur lors de vos parties. De cette façon, vous fixez véritablement une limite à la durée de vos parties. Même si vous êtes interrompu en plein milieu d’une phrase par la sonnerie, dites à vos joueurs que la partie est terminée… Et s’ils souhaitent continuer quand même, vous avez gagné. Si tout le monde est d’accord pour que la partie continue, c’est bon signe! Et puis ce n’est pas à vous qu’on en voudra d’avoir fini en retard.

 

Contaminez-les comme un vampire
Tout ça, c’est bien beau, mais «du temps, vos amis n’en n’ont pas»!

C’est faux, ils en ont autant que vous, c’est juste qu’ils ne l’utilisent pas de la même façon. Peut-être que leur métier est très prenant, peut-être qu’ils ont des enfants… ou peut-être qu’ils doivent se vider la tête tous les soirs devant une série.

En aucun cas, vous n’êtes là pour juger la manière dont les autres souhaitent dépenser les précieuses heures libre dont ils disposent. N’essayez pas de forcer vos proches à faire du jeu de rôle. Si vous êtes trop insistant, ça pourrait même les énerver. Tentez quelque chose de plus doux et de plus efficace: contaminez-les une bonne fois pour toutes. En fait, chaque individu se fixe des priorités en fonction de la valeur qu’il attribue aux choses et à leur urgence. On remplit généralement d’abord nos obligations, parfois en dernière minute… Mais ensuite on a le choix! On peut décider de profiter passivement d’une soirée devant Netflix, ou alors de s’adonner à une de nos passions (sportive ou artistique). On peut encore sortir voir du monde pour se vider la tête, ou se la prendre.

Dans tous les cas, ces activités sont hiérarchisées d’une façon ou d’une autre. Votre mission, si vous l’acceptez, est donc de faire monter le jeu de rôle dans la hiérarchisation des activités de vos amis. Pas en faisant du chantage, ni en les harcelant: si vous voulez jouer plus souvent, il faut que vos parties en vaillent la chandelle.

Pour ça, vous devez jouer cartes sur table. Vous ne pouvez pas vous contenter timidement de proposer une petite partie «juste comme ça». Vantez les vertus et les possibilités qu’offre le jeu de rôle; dites à vos amis à quoi pourrait ressembler une campagne au long terme; présentez-leur les univers qu’ils pourraient explorer; décrivez-leur l’ambiance qui leur donnera envie d’essayer.

Vous devez trouver les mots justes qui les aideront à se laisser tenter. Vous pouvez faire jouer des potes à Donjons et Dragons même s’ils n’ont jamais lu ni vu de film de fantasy. C’est bien simple: ceux-là ne refuseront pas une petite soirée conviviale à se marrer entre amis. Et vous n’avez pas besoin de leur promettre plus pour commencer. Vous ne prenez pas un grand risque si toutes les personnes invitées sont proches et se sont toujours éclatées ensemble.

Mais comment trouver les mots justes? Et puis, est-ce que c’est vraiment suffisant? Non. Vous montrez passionné et confiant ne va pas suffire au long terme… C’est la raison pour laquelle nous allons maintenant parler de la recette d’une partie réussie.

 

Connaissez vos joueurs comme votre poche sans fond
Sachez une chose: la réussite d’une partie de jeu de rôle ne dépend pas de votre connaissance des règles, ni de vos talents de scénariste, ni de la bible de votre univers fait maison.

En réalité, il y a des facteurs bien plus impactants: l’état de fatigue des joueurs, leurs préoccupations, leurs affinités avec les autres joueurs, etc.

Ce sont des facteurs sur lesquels vous avez peu de contrôle en réalité, alors on ne va pas s’attarder dessus. Vous pouvez toutefois essayer de rassembler des personnes qui ont tendance à bien s’entendre, ça facilitera les choses. Pour cela, vous devez bien les connaître… Ce qui m’amène au point le plus important selon moi: la réussite d’une partie de jeu de rôle dépend de chacun des participants autour de la table, et de votre faculté à leur offrir ce qu’ils recherchent. Vous avez bien dû vous en rendre compte! Votre amie Jeanne s’éclate en pillant des donjons alors que les autres s’endorment au coin de la table. Nicolas prend des notes chaque fois que le groupe trouve une nouvelle piste, tandis que Pierre et Jessica font une pyramide de dés qui réveille Louise chaque fois qu’elle s’écroule. Bref, vos joueurs sont des individus différents qui n’attendent pas tous la même chose de la partie. C’est là que vous pouvez (et devez) intervenir. Ce que vous devez faire est extrêmement simple: demandez à vos joueurs ce qu’ils attendent d’une partie de jeu de rôle. Quels thèmes aimeraient-ils explorer? Quels personnages souhaitent-ils incarner? Préfèrent-ils les intrigues politiques, l’exploration, les combats?

 

ÇA TE DIRAIT UN CLUEDO? Si vous n’êtes pas particulièrement entouré de fans de fantasy ou de science-fiction, invoquez les Grands Anciens. L’enquête est un thème très populaire! Entre les murder party, les escapes games et les séries télévisées, tout le monde visualise facilement ce à quoi pourrait ressembler un scénario d’investigation. C’est la raison pour laquelle l’Appel de Cthulhu est une excellente porte d’entrée pour les débutants. Ça leur permet de retrouver leurs marques en début de scénario, avec un contexte réaliste et un objectif clair… Puis de leur faire découvrir l’aspect horrifique et fantastique de l’univers dans un second temps. C’est à ce moment-là qu’ils comprennent généralement qu’ils ont beaucoup de choses à découvrir via le jeu de rôle.

 

Vous devez leur demander leur avis et en tenir compte. N’essayez pas de lire dans leurs pensées ou d’interpréter leurs comportements. Parlez-leur! C’est beaucoup plus efficace que de tenter de les ranger dans des cases comme on nous le suggère parfois. Vous savez, ces fameuses catégories de joueurs qu’on trouve dans les livres? Pour moi, celles-ci peuvent nous apporter des suggestions pour offrir des scènes qui intéressent nos joueurs. Mais vous ne pouvez pas vous arrêter là. Votre bande d’amis ne se résume pas à un «killer», un «explorer» et une «achiever». Leurs envies vont évoluer avec le temps et vous êtes là pour les écouter. Votre rôle est donc de leur demander du feedback très régulièrement, au minimum après chaque partie. Voilà quelques idées de questions à leur poser:
• Quelle a été ta scène préférée?
• Quel personnage t’a marqué?
• Quel avenir envisages-tu pour ton personnage?
• Est-ce que quelque chose ne t’a pas plus?
• Est-ce que tu as une suggestion pour améliorer le déroulement des parties futures?

Il se peut toutefois que vos joueurs n’aient pas de réponse à vous donner. Cela peut être le cas s’ils n’ont pas beaucoup d’expérience, et donc pas d’éléments de comparaison issus d’autres parties. C’est la raison pour laquelle avant de lancer une grande campagne, vous devriez faire quelques one shots un peu différents les uns des autres pour que vos joueurs testent plusieurs styles de règles et d’ambiances.

Il se peut aussi que l’un de vos joueurs ne dise rien parce qu’il n’a pas envie de parler d’un problème personnel devant tout le monde. C’est la raison pour laquelle vous ne devez pas hésiter à discuter de vos parties en dehors du groupe.

Il se peut aussi qu’il n’y ait rien de particulier à signaler après l’une de vos séances. C’est peut-être le moment de vous poser des questions. Si vos joueurs sont impassibles après la partie, ça peut être dû à la fatigue ou à un autre facteur qui ne relève pas de vous… Mais ça peut aussi être le signe d’une certaine lassitude. Si vos joueurs ne disent rien, revenez vers eux quelques jours plus tard. S’ils commencent à s’ennuyer et qu’une routine s’installe, c’est peut-être aussi le moment de tenter quelque chose de nouveau. Vous pourriez par exemple faire un petit one shot hors-série pour laisser respirer votre campagne et la reprendre avec un enthousiasme renouvelé!

Pour résumer, il s’agit de trouver un équilibre entre les attentes de tous les joueurs et l’effet de surprise. Vous êtes donc concerné au même titre que le reste de la table! Vous devez expliciter vos attentes, notamment pour jouer au long cours. N’imaginez pas que vos joueurs sont dans votre tête. Si vous voulez jouer dans un cadre particulier, vous n’avez pas à vous sacrifier pour un joueur qui trouve le setting «bof». Discutez plutôt de ce qui ne lui plaît pas, et assaisonnez votre univers avec des thèmes qui le motivent. Il s’agit de travailler tous ensemble pour trouver la recette qui marche.

 

Transmettez la flamme
Si tout se passe bien, vous allez construire un groupe petit à petit, de plus en plus solide. Votre table va se consolider et des synergies vont se développer. Avec un peu de chance, tout le monde va faire des efforts pour continuer à jouer semaine après semaine et d’année en année. Top, non?

Mais vous le verrez, les aléas de la vie vous rattraperont à un moment ou à un autre. Quelqu’un s’éloigne géographiquement, un couple se rompt, un enfant vient au monde… et paf! Votre groupe éclate!

Est-ce que c’est la fin de l’aventure? Le retour à la case départ? Non, vous n’avez plus qu’à partir à la recherche de nouveaux joueurs pour combler le vide laissé par ceux qui s’en vont, ou alors mettre sur pied une nouvelle équipe d’aventuriers téméraires. Ou peut-être pouvez-vous jouer en plus petit comité? Pourquoi pas encore faire essayer vos enfants bourrés d’imagination? Il est temps de retrousser vos manches pour un nouveau départ… Vous le voyez, le serpent se mord la queue.

Bien sûr, il ne suffit pas de lire cet article pour jouer plus souvent: il faut agir. Certains d’entre vous pensent sûrement avoir tout essayé pour jouer plus souvent, ou se disent qu’aucune de ces pistes n’est applicable à leur situation particulière. Mais ces conseils ont fonctionné pour d’autres, alors pourquoi pas vous?

Pour d’autres? Évidemment! Les pistes proposées ici ne sortent pas de l’imagination d’un maître du jeu isolé, et vous en connaissiez sûrement déjà certaines. Peut-être même que vous vous dites que ce n’est que du bon sens. Pourtant, les forums sont encore envahis de rôlistes à la recherche d’autres rôlistes… Alors que nous sommes entourés de potentiels nouveaux joueurs. Adopter cette envie de transmettre la flamme peut prendre du temps, et le but de cet article était de vous en faire gagner.

Hugo Watine.
Le Bon MJ.

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