Éric Dubourg, Benjamin Ott, Celdric Turmel

ÉRIC DUBOURG, BENJAMIN OTT & CELDRIC TURMEL

 

EN 2014, CES AUTEURS CRÉENT LA SURPRISE EN PUBLIANT UN ÉPAIS VOLUME DOCUMENTÉ SUR BYZANCE POUR L’APPEL DE CTHULHU. BYZANCE, ET NON ISTANBUL. LE VIEUX RÊVE DE VOIR LE MYTHE SE DÉVELOPPER À UNE AUTRE ÉPOQUE QU’AU XXe SIÈCLE COMMENÇAIT…

 

 

TITAM - JDR Mag 33 - Éric Dubourg, Benjamin Ott et Celdric Turmel
BYZANCE, AN 800 Auteurs: Éric Dubourg, Benjamin Ott, Celdric Turmel Illustrateur: Loïc Muzy, Mariusz Gandzel Éditeur: Éditions Sans Détours Prix: 42 €

Bien que tu aies commencé par L’Appel de Cthulhu, tu as longtemps nourri une passion pour les Terres du Milieu. Tu animais de longues campagnes dans des territoires peu conventionnels au regard des publications officielles, n’est-ce pas?

Éric Dubourg: J’ai effectivement beaucoup joué dans les Terres du Milieu, sans hélas trouver le bon système, si bien que pour chaque campagne que j’ai maîtrisée, c’était avec un système de jeu différent (JRTM, Seigneur des Anneaux JDR, HARP). Ces aventures se déroulaient pour l’essentiel dans les territoires décrits par Tolkien, l’Arnor et le Gondor entre autres, mais j’ai pu animer des parties dans des régions moins conventionnelles, telles que le Sud Harad ou la Baie d’Ormal. D’ailleurs, j’avais pris contact avec le responsable de gamme de la seconde édition de MERP, Chris Seeman, qui était le rédacteur en chef d’Other Hands, un prozine outre-atlantique.

Avec lui, ont été publiés (et retravaillés) un historique d’un royaume au sud d’Umbar, le Bellakar, ainsi qu’un scénario autour de la mort d’Eldacar. Cette collaboration aurait pu se poursuivre, si ICE ne s’était pas vu retirer la licence. De manière non officielle, et donc non commerciale, j’ai imaginé avec quelques autres des suppléments à la MERP dans les baies d’Ormal et d’Illuin, tels que Harshandatt et Chyan Empire (pour citer les plus aboutis), des régions qui avaient à peine été esquissées par Pete Fenlon dans sa carte globale et très critiquée des Terres du Milieu. J’ai cessé d’y travailler vers 2005, au moment où je terminais mes campagnes en Terres du Milieu, mais d’autres profitent aujourd’hui de ce que j’ai écrit.

 

Ce n’est pas ton seul autre amour rolistique car tu as déjà publié pour L5R et Loup Solitaire avant de te frotter à L’Appel de Cthulhu. Ce furent tes premières armes?

Éric Dubourg: Tout à fait ! Je n’ai que très peu rédigé pour L5R. Ma contribution se limite à quelques scénarios et à une présence active auprès de l’association la Voix de Rokugan; j’ai en revanche beaucoup plus écrit, avec quelques autres de l’actuelle association Scriptarium dont Vincent Lazzari, Florent Haro, David Latapie et Reinaldo Gomez-Larenas. Il y a six ans avec eux, nous avons géré la sortie du Grimoire du Magnamund au Grimoire. Cette histoire se poursuit encore aujourd’hui avec, entre autres, la publication du premier volume des Stornlands (une des régions de l’univers de Loup Solitaire, le Magnamund) chez Mongoose Publishing comme supplément de contexte de la game Lone Wolf Multiplayer RPG (le second volume restant à ce jour inédit mais devrait finalement sortir chez l’éditeur Cubicle 7 dans la gamme Lone Wolf Adventure Game à une date encore indéterminée, lorsque l’éditeur aura achevé le cycle de ses republications), et d’une aventure bonus originale écrite à trois mains pour le livre-jeu 20 (la Malédiction de Naar) intitulée The Purifiers of Kazan-oud, chez Mantikore Verlag. Et d’autres projets sont dans les tuyaux avec l’éditeur Cubicle 7 (qui a repris les droits des livres-jeux et des JDR Lone Wolf), d’abord en ce qui concerne les aventures bonus des livres-jeux et plus encore, notamment la participation à l’écriture de nouveaux suppléments de contexte comme The Realm of Sommerlund, Kai Monastery et Vassagonia, qui sortiront à des dates encore indéterminées.

 

BYZANCE, AN 800 Auteurs : Éric Dubourg, Benjamin Ott, Celdric Turmel Illustrateur : Loïc Muzy, Mariusz Gandzel Éditeur : Éditions Sans Détours Prix : 42 €Comment en es-tu venu à jouer à L’Appel de Cthulhu?

Éric Dubourg: C’est un ami depuis longtemps perdu de vue qui m’a initié à Cthulhu. C’étaient des parties un peu spéciales, pas très régulières, au cours desquelles j’étais amené à jouer plusieurs investigateurs. Un gardien et un joueur. Puis j’ai commencé à maîtriser mes premières parties, suivant le même concept, un joueur, plusieurs investigateurs. Concept que j’ai abandonné lors des premières parties en club.

Ensuite, les parties se sont enchaînées (c’était ma période club), mais quand même j’ai pu maîtriser Terreur sur l’Orient Express (première version) et une campagne originale, qui est toujours dans mes cartons. Celle-ci commençait à Londres, avec une présentation de découvertes archéologiques mexicaines, un dîner, et aussitôt après un assassinat (schéma classique s’il en est). Puis la campagne se poursuivait en Égypte, en Nubie, en Turquie et au Mexique. Elle s’appelait L’Appel de Kukulcan. Je l’ai toujours dans mes cartons, sous format informatique. Peut-être sortira-t-elle un jour, au moins sur le net, mais avec Benjamin on a beaucoup de projets dans les cartons, projets dont j’aurai surement l’occasion de parler plus avant!

Celdric Turmel: Complètement par hasard, à l’occasion d’un one-shot. Mais, je connaissais bien l’univers, ayant dévoré les écrits de Lovecraft.

Benjamin Ott: Ma seconde partie en temps que rôliste était un AdC. J’ai adoré le concept, d’autant plus qu’à l’époque, mon MJ se fournissait aussi en ouvrages en anglais, aux noms imprononçables (j’ai mis des années à prononcer le titre du fanzine Unspeakable Oath) ce qui m’a ouvert jeune adolescent des univers insoupçonnés. Et une dizaine d’années plus tard, je m’y suis remis en joueur avec un de mes persos préférés pendant une dizaine de scénarios. Enfin la couverture de la campagne Par-delà les Montagnes Hallucinées m’a fait passer de l’autre côté de l’écran, et je me suis mis à maîtriser cette aventure (inachevée pour cause de dispersion de joueurs hélas).

 

BYZANCE, AN 800 Auteurs : Éric Dubourg, Benjamin Ott, Celdric Turmel Illustrateur : Loïc Muzy, Mariusz Gandzel Éditeur : Éditions Sans Détours Prix : 42 €Comment est né le projet Byzance (pour toi, pas la relation avec Sans Détour)?

Éric Dubourg: Je dirais que c’est une passion naturelle pour l’histoire. J’ai pu rédiger plusieurs scénarios historiques dans le cadre de plusieurs tournois de jeux de rôle, en Rome Antique, en Chine, en Perse et en Égypte. J’ai du reste pu, grâce à Samuel Tarapacki, reprendre le scénario chinois pour l’adapter à son fascinant Empire des Ombres, ce qui me donne l’envie un peu folle d’explorer l’ Empire des Ombres, mais à Byzance ! Peut-être un pitch pour un futur scénario en Asie Mineure ou en Égypte? J’aurais pu poursuivre avec d’autres périodes (j’avais présélectionné l’empire assyrien, l’empire romain sous les julio-claudiens), mais il s’est écoulé du temps avant que je m’intéresse à nouveau à l’histoire, et à Byzance en particulier.

Puis il y a eu le déclic d’une campagne jouée à Byzance. Ce n’était pas moi le meneur, mais ça m’a fait réfléchir. Et de fil en aiguille, j’ai commencé à rédiger vers 2010 sur la période des Comnènes. J’en ai parlé avec Benjamin, qui souhaitait ardemment participer à une grande aventure de publication, historique qui plus est, et on a réfléchi sur ce contexte, puis sur une autre période de jeu, celle décrite dans Byzance An 800. Pendant cinq années, et encore maintenant, on a pu travailler en toute sérénité, en apportant brique après brique ce dont on avait besoin pour l’univers. Le tout en consultant les sources, nombreuses et variées, en faisant le tour des bibliothèques spécialisées.

Celdric Turmel: Pas totalement par hasard, mais presque. Éric m’avait parlé de son projet, au détour d’une partie de jeu de rôle et je lui avais proposé mon aide. Je ne pensais pas faire grand-chose, juste donner un petit coup de main pour quelques détails et pour le système de magie, propre à Byzance. Je me trompais. À ma grande surprise, après quelques séances de travail, Éric décida de m’inclure parmi les auteurs du livre (il a dû aimer ce que je proposais) et je finis par contribuer de façon plus conséquente (ce pour quoi je le remercie, c’était une expérience formidable).

Benjamin Ott: Comme l’a déjà raconté Éric, c’est entièrement grâce à lui. Après avoir collaboré avec Éric et d’autres sur des projets de traduction en français (avec le Grimoire puis avec Scriptarium), et à un moment où ces projets étaient aboutis, je suis tombé par hasard sur une page d’un wiki que le groupe avait monté mais sans rapport avec le monde sur lesquels nous travaillions alors (un med-fan). Et ce que j’y ai lu me semblait anachronique (voire une erreur historique) aussi ai-je entamé une discussion avec Éric. Et de me rendre compte que c’était normal et que l’uchronie était volontaire. Éric m’a gentiment proposé de bosser ensemble sur ce projet, et pour cela ainsi que pour son indéfectible patience et loyauté, je lui en serai toujours reconnaissant. C’était il y a cinq ans. On a construit petit à petit un monde, puis il a convaincu Sans Détour et Celdric s’est rajouté au projet. Je finirai par dire que je ne pense pas avoir trouvé une équipe avec laquelle j’aurai pu mieux travailler, cinq ans sans aucune engueulade ni anicroche, un vrai alignement céleste!

 

BYZANCE, AN 800 Auteurs : Éric Dubourg, Benjamin Ott, Celdric Turmel Illustrateur : Loïc Muzy, Mariusz Gandzel Éditeur : Éditions Sans Détours Prix : 42 €Byzance An 800 est un ouvrage important pour l’histoire éditoriale francophone de L’Appel de Cthulhu. Pourquoi as-tu choisi cette cité? Et cette date?

Éric Dubourg: Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas ou peu d’ouvrages consacrés à la période, près de mille ans d’histoire byzantine! Il n’y avait que deux ouvrages, une aventure pour le d20 system à la chute de Constantinople (The Last Days of Constantinople), et un supplément «à l’américaine» pour Vampire l’Âge des Ténèbres, Liber Constantinopolis. Plus Miles Christi et Ars Magica, mais pour ces deux jeux les Byzantins n’étaient pas au centre du jeu! C’était cela que l’on recherchait avec Benjamin Ott et Celdric Turmel, et faute de trouver un supplément du commerce plaçant les Byzantins au centre du jeu, nous l’avons créé et proposé à Sans Détour. Pour paraphraser le rédacteur du grog sur la page décrivant le supplément Liber Constantinopolis, «Byzance méritait bien son supplément!» Et cela a été mené à bien avec Byzance An 800 et le supplément qui est annoncé par Sans Détour en 2016, Constantinople, Reine de l’Orient.

Au départ, la période traitée pour le supplément devait être la période des Comnènes, l’empereur décrit aurait dû être, dans cette perspective, Alexis I et une thématique forte aurait été le traitement des Croisades, où les Byzantins luttent pour préserver leur civilisation. Si traiter les Comnènes n’aurait pas manqué de piquant (cela fait partie d’un futur projet pour L’Appel cela dit), j’ai préféré une autre période, celle des Macédoniens avec le règne fondateur de Basile. Il y a tant à dire, et cela se voit dans la richesse des suppléments à venir, que ce soit Constantinople, Reine de l’Orient et l’Asie Mineure, Au Coeur de l’Empire.

 

BYZANCE, AN 800 Auteurs : Éric Dubourg, Benjamin Ott, Celdric Turmel Illustrateur : Loïc Muzy, Mariusz Gandzel Éditeur : Éditions Sans Détours Prix : 42 €As-tu d’autres projets pour L’Appel de Cthulhu? Un développement de l’An 800 ou une autre époque?

Éric Dubourg: Les deux sont au programme! Pour ce qui concerne l’An 800, il y a tout d’abord Constantinople. Il y a ensuite l’Asie Mineure que l’on termine en ce moment même avec Benjamin: il ne manque plus que quelques scénarios à rédiger et cela pourra être soumis à Sans Détour. Et ensuite, nous avons des projets pour Au Nord de la Romanie (où pourra être traité le sujet des Varègues), les Royaumes du Nil, et ensuite la Perse, les terres du Maghreb, la Carolingie, peut-être aussi un crossover années 20 – Byzance, où des investigateurs se retrouvent piégés à Byzance. Je ne sais pas encore quel sera le supplément traité après l’Asie Mineure (et si tous seront traités, je ne sais pas), cela sera en discussion avec Sans Détour, sachant que les deux premiers sont déjà en chantier.

Il y a derrière les Byzantins des ombres qui se profilent, avec les Incas de l’actuel Pérou, les Aztèques et les Mayas de l’actuel Mexique, la Perse des Achéménides, la Rome Antique, dans les mers du sud, tout cela est envisagé. Actuellement, le projet Inca est le plus abouti, en ce sens que la recherche bibliographique est faite, le plan de l’ouvrage est fait, il ne reste plus qu’à écrire, et cela appellera comme pour Byzance à de nouvelles recherches en bibliothèques, à la découverte de la culture inca et des principaux peuples qui en composent l’Empire. Normalement, le plan serait de faire un ouvrage au summum de la puissance inca, avant l’arrivée des conquistadors (le titre de cet ouvrage pourrait être Inca An 1500), et un éventuellement après, où les Incas luttent pour leur survie face aux Espagnols… et aux indigènes qu’ils ont conquis et qui se sont alliés aux conquistadors.

 

Bon, c’est le moment d’aborder les questions que tout le monde se pose. Peux-tu nous en dire un peu plus sur Sans-Détour ? Comment les as-tu trouvés ? Quelle fut votre relation de travail ?

BYZANCE, AN 800 Auteurs : Éric Dubourg, Benjamin Ott, Celdric Turmel Illustrateur : Loïc Muzy, Mariusz Gandzel Éditeur : Éditions Sans Détours Prix : 42 €Éric Dubourg: En un mot, professionnels. Tous, que ce soit Piotr, Samuel, Christian ou Loïc, et j’en oublie, sont passionnés par ce qu’ils font. Les suppléments sortis sont magnifiques, on sent le véritable plus par rapport à la période Descartes. C’est à la fois des suppléments pour jouer et à collectionner. Et je ne parle pas que de la gamme de L’Appel de Cthulhu, même si c’est par cela que Sans Détour a commencé (je pense en particulier aux Lames du Cardinal).

Sur l’ouvrage Byzance An 800 proprement dit, pour parler concrètement de relations de travail, la rédaction a commencé vers 2011 et la collaboration effective courant 2012. Il ne suffit pas d’avoir un projet crédible sur le papier, il faut que le reste suive et que cela réponde aux exigences de qualité de Sans Détour, par exemple la présentation des scénarios. Ce sont des communications par mail, essentiellement avec Christian, de temps à autre avec Samuel, pour gérer toutes les phases de production du supplément: relectures, choix d’un artiste pour les cartes, travaux avec recherche d’illustrations, impression du supplément, rédaction de scénarios pour faire vivre le jeu avec parution magazine, et aussi déplacement sur des conventions avec Opale Rôliste. Je pense que la relation de travail sera la même pour Constantinople, à ceci près que le travail de recherche et de suggestion d’illustrations est déjà fait, ce qui sera, je pense, un gain de temps appréciable.

 

À quoi peut-on s’attendre pour le supplément Constantinople?

Éric Dubourg: Le postulat de départ était de ne pas suivre le traitement adopté pour Liber Constantinopolis, à savoir un découpage par Région, ce qui aurait induit des régions plus développées que d’autres. De plus, on ne sait pas précisément où se trouvent certains monuments (pas les plus connus, évidemment), ce sont des études passionnantes que mènent les archéologues pour reconstituer au plus juste Constantinople avec tous ses monuments (sans compter que la Constantinople des Macédoniens n’est pas la même que celle des Comnènes), mais ce n’est pas ce qu’attendent, à mon sens, les lecteurs de Byzance An 800. J’ai plutôt fait le choix d’une description thématique de la ville, avec de grands chapitres comme la Mésè (voir l’aventure de ce numéro), le Grand Palais, l’Hippodrome, le sacré, etc. sans oublier les secrets de la ville (le Mythe se taille la part du lion !) et des aventures. Une campagne qui se déroule sur un an pour les investigateurs, avec possibilité pour les gardiens de faire jouer leurs propres aventures en s’inspirant des idées d’aventures données un peu partout, des PNJ qui sont proposés et qui donnent une couleur locale à la ville. Et si cela ne suffi sait pas, trois aventures indépendantes sont fournies, ce qui permettra aux joueurs et aux gardiens de bien s’immerger dans la culture byzantine, en découvrant Constantinople en détail et en attendant d’en demander plus, ce qui sera chose faite avec le supplément suivant, l’Asie Mineure. Le supplément est prévu pour la période macédonienne. Mais une autre période de jeu est décrite (la période de Justinien avec la Sédition Nika), et celle-ci a son importance dans le premier scénario de la campagne.

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