CHEVALERESSES

AVANT EOWIN ET BRIENNE DE TORTH, LES VÉRITABLES FEMMES GUERRIÈRES DU MOYEN ÂGE!

LES FEMMES GUERRIÈRES NE SONT PAS UNE INVENTION DES AUTEURS DE FANTASY. CONTRAIREMENT À CE QUE PENSAIENT BON NOMBRE D’HISTORIENS LES FEMMES ONT PRIS LES ARMES AU MOYEN-ÂGE POUR DÉFENDRE LEURS TERRES OU PARTIR EN CROISADE… LE LIVRE DE SOPHIE CASSAGNES-BROUQUET NOUS DÉVOILE LEUR HISTOIRE.

 

Auteur : Sophie Cassagnes-Brouquet
Éditeur : Perrin, coll. «Pour l’Histoire», Paris, 2013.

Le terme de chevaleresse ou encore de chevalière (equitissima ou militissa en latin) désigne au Moyen Âge l’épouse d’un chevalier ou la cavalière qui combat à cheval ou la dame qui appartient à un ordre de chevalerie. Le livre de Sophie Cassagnes-Brouquet se penche sur les femmes combattantes au Moyen-Âge, aussi bien les femmes réelles que les combattantes idéalisées de la littérature.

Les unes comme les autres sont des sources inépuisables d’inspiration pour créer des PJ ou des PNJ féminins dans les jeux à connotation médiévale ou même franchement fantasy. On pense bien sûr à Pendragon, où la question des combattantes est déjà abordée de manière intéressante. Certaines figures historiques mentionnées dans le livre de base sont d’ailleurs présentes dans le livre de Sophie Cassagnes-Brouquet comme Sikelgaite de Salerme, qui combat auprès de son mari, le chef normand Robert Guiscard, et joue un rôle décisif en enjoignant énergiquement à ses troupes de retourner au combat après une défaite contre les Byzantins. Vos parties d’Ars Magica bénéficieront tout autant des nombreuses preuves réelles ou imaginaires dont Chevaleresses nous raconte les histoires.

Haut-fait d’arme qui donna son surnom à Jeanne « La Flamme »

Bon nombre de femmes combattantes présentées dans les textes du Moyen Âge sont des chefs de guerre qui défendent vaillamment leurs terres ou leur foi. Deux exemples à deux moments différents et d’un bout à l’autre de l’Europe : la comtesse Mathilde de Toscane au XIe siècle lutte pour soutenir le pape contre l’empereur Henri IV du Saint Empire Romain Germanique, lors de la Querelle des Investitures, conflit concernant la nomination des évêques, le pape et l’empereur estimant chacun qu’ils étaient le mieux placé pour le faire. Tous les témoins de l’époque soulignent l’importance de l’activité militaire de la comtesse et ses qualités de stratège. Pour le chroniqueur Berthold de Constance elle est «le plus fidèle soldat de Dieu ». Et cette remarque est tout sauf métaphorique. Quant à Jeanne de Montfort, au XIVe siècle, elle repousse les attaques des Français contre la Bretagne. Elle est «armée de corps», «montée sur un bon coursier», «tenoit un glaive moult roide et bien trençant et trop bien s’en combatoit et de grant corage», comme le dit Jean Froissart dans ses Chroniques. Une nuit, alors qu’elle s’est retranchée dans une ville assiégée, elle sort accompagnée de trois cents chevaliers et met le feu au camp ennemi d’où son surnom de Jeanne La Flamme. D’autres femmes comme l’espagnole Malcalda Scaletta, l’italienne Richarde de Saluces ou encore l’écossaise Black Agnès, ainsi surnommée pour la couleur de ses cheveux, sont aussi des chefs de guerre accomplies. On peut s’interroger sur l’origine de leurs qualités militaires, ce qu’aucun chroniqueur d’époque n’éprouve le besoin de faire. Hommes et femmes partagent une même culture guerrière. Les inventaires des bibliothèques des femmes de l’aristocratie renferment aussi bien des récits de chevalerie que des traités militaires. Christine de Pizan, l’auteure la plus célèbre du XVe siècle, écrit d’ailleurs en 1410 un traité sur la guerre, Le Livre des Faits d’armes et de chevalerie, qui sera un grand succès.

Il n’y a pas que les femmes de la haute noblesse qui combattent, mais les femmes des classes plus populaires sont difficiles à repérer dans les écrits médiévaux, rédigés par des hommes et à destination de l’aristocratie. Pourtant on apprend que des femmes font partie des milices armées qui défendent les cités flamandes en 1382 contre Charles VI. Et les femmes partent également en croisade. Les chroniqueurs chrétiens sont plutôt discrets sur leur présence au combat contrairement aux chroniqueurs arabes. Les uns le sont parce qu’ils ne veulent pas attirer l’attention sur cette réalité, les autres en parlent au contraire pour montrer le côté «dévoyé» des envahisseurs. Elles sont archères, elles manipulent les catapultes et il semblerait que certaines se battent en armure. D’autres se livrent à une guerre sale en achevant les blessés sur les champs de bataille. Toutes les femmes combattantes ne sont d’ailleurs pas de nobles chevaleresses pétries d’idéal: Claude, la fausse Jeanne d’Arc «ressuscitée» du bûcher, fera un temps partie d’un groupe de mercenaires appelés les écorcheurs.

À côté de ces exemples tirés de l’histoire, l’auteure nous rapporte toute la riche littérature vantant les prouesses des femmes guerrières. Les guerrières les plus admirées de la littérature médiévale sont les amazones. Débarrassées de la méfiance des anciens grecs, elles restent pour les hommes et les femmes du Moyen Âge des modèles héroïques féminins. «Ce sont des guerrières pleines de vaillance, d’audace et d’ardeur au combat. Leur réputation est grande en tous lieux. À plusieurs reprises elles sont sorties de leur pays: c’est pour conquérir la gloire qu’elles se battent» comme l’écrit Benoît de Saint Maure vers 1165. Même la matière de Bretagne, l’épopée d’Arthur, possède une héroïne chevaleresse, probablement comme le dit Sophie Cassagnes-Brouquet, «l’une des héroïnes les plus fascinantes de la littérature médiévale». Cette héroïne s’appelle Silence, et elle rappellera à bon nombre d’entre vous le personnage de Lady Oscar, qu’elle précède de nombreux siècles. Elle est en effet élevée dès sa naissance comme un garçon et elle devient un des plus valeureux chevaliers de la cour. Un genre très particulier, enfin, est celui des Tournoiements de Dames, où des poètes imaginent les grandes dames des cours européennes s’affrontant armées au cours de tournois. Les récits se veulent réalistes, au plus près du combat, ne dédaignant aucune blessure ni aucune chute, en soulignant tous la hardiesse et la technicité de ces cavalières.

Je vous conseille donc fortement la lecture de Chevaleresses, qui vous permettra de créer des personnages féminins hauts en couleur, bien plus réels ou plus fantastiques que l’habituelle «dame dans sa tour attendant son chevalier», tellement stéréotypée et insipide qu’elle en devient artificielle et vide de toute substance.

Vincent Blanchard
Illustrations: Poncet

 

DES PNJ PRÊTS À L’EMPLOI

TITAM - JDR Mag 28 - ChevaleressesLA COMTESSE MATHILDE DE TOSCANE, SOLDAT DU CHRIST
La comtesse Mathilde de Toscane, soldat du Christ Après que l’Empereur Henri IV eût déposé le pape Grégoire VII pour nommer un anti-pape, Clément III, Mathilde mène ses troupes contre l’empereur. Après une défaite à Volta, elle remporte une victoire décisive à Sorbaria en 1084. Le pape lui-même la dissuade de rentrer dans les ordres car il a besoin de son soutien militaire et lui propose de continuer à servir le Christ comme son bras armé. Elle lève des troupes, commande aux armées, fait édifier des forteresses, assiège des villes tout cela au nom du Christ. Parallèlement elle entretient autour d’elle une cour d’intellectuels qui établissent une partie des théories de la réforme grégorienne.

Compétences types (à adapter selon votre jeu): Art de la Guerre, Commandement, Coercition, Diplomatie, Équitation, Étiquette, Histoire, Négociation, Persuasion, Stratégie, Religion.

 

«BLACK AGNÈS», COMTESSE DE DUNBAN
Alors que son mari est parti combattre au loin, elle subit le siège des Anglais dans sa puissante forteresse de Dunban. Elle tient la forteresse et ses défenses pendant plus de cinq mois, déjouant les tentatives d’infiltration de l’ennemi, qui la décrit comme bagarreuse et violente. Elle ne manque pas non plus d’humour: lorsque l’ennemi lance des pierres à l’aide de catapultes sur les murs de la cité, elle fait monter une jeune fille richement habillée munie d’un chiffon pour essuyer les impacts. Elle se lance également dans une joute verbale pleine de sarcasmes avec l’Anglais qui finira par lever le siège le 10 juin 1338.

Compétences types (à adapter selon votre jeu): Armes à distance, Art de la Guerre, Commandement, Diplomatie, Discrétion, Éloquence, Négociation, Persuasion, Sarcasmes, Stratégie.

 

CLAUDE, FAUSSE JEANNE D’ARC MAIS VRAIE AVENTURIÈRE
Née en Lorraine comme la vraie Jeanne, Claude commence sa vie d’aventure en se rendant à Rome habillée en homme pour se faire pardonner sa violence envers sa mère. Elle obtient le pardon mais au lieu de retourner dans sa famille, elle prend goût à la liberté. Elle s’engage comme mercenaire chez les écorcheurs, un groupe de guerriers mené par Jean de Blanchefort. C’est par la suite qu’elle se fait passer pour Jeanne d’Arc, avec la complicité probable des frères de Jeanne, Pierre et Jean. Elle mystifie bon nombre de gens qui lui offrent habits, armes et argent. Elle se fait aussi passer pour magicienne, notamment auprès de Gilles de Rais qui cherche désespérément à changer le plomb en or. Elle réussit à rencontrer le roi de France Charles VII auquel elle avoue son imposture. Ses complices sont punis et elle doit faire un aveu en public. Après cela, «elle retourna encore à la guerre, fut en garnison et puis s’en alla.»

Compétences types (à adapter selon votre jeu): Athlétisme, Bagarre, Baratin, Boisson, Déguisement, Équitation, Étiquette, Mêlée, Orientation, Prestidigitation, Occultisme, Survie.

 

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